Sortir : Un peu osé ce Cinéman...

Yann Moix : L'idée de départ est dérivée de Podium (dont il est également le réalisateur, NDLR), avec au centre, une personne plus ou moins ordinaire qui change de peau.... mais là, on a voulu faire un Podium puissance 10, avec un héros qui n'arrête pas de se transformer ! Également un hommage au cinéma, en particulier à des genres, des films que les gens connaissent ou qui m'ont particulièrement marqué : la comédie, beaucoup, le western spaghetti, des films d'auteur populaires comme Taxi Driver... le cinéma muet aussi : j'ai toujours été fasciné par la manière dont les acteurs bougeaient, alors, et même si c'est très pointu, pourquoi pas ? Et puis Franck est un acteur qui bouge beaucoup, à l'humour très visuel... d'ailleurs, les meilleurs comiques sont ceux qui utilisent le mieux leur corps.

 

Sortir : Ça fait quoi en tant qu'acteur, d'enchaîner les personnages prestigieux ?

Franck Dubosc : Passer d'un rôle à l'autre, je vais vous dire, c'est très facile... c'est juste la préparation qui est un peu longue, mais lorsqu'on se découvre dans la glace avec une toute autre tête, c'est génial ! Après, il a fallu s'adapter aux différents rôles, notamment en visionnant les films, pas pour copier mais pour être dans le genre de : le phrasé pour Clint ou une ambiance pour le muet, même si dans ce cas précis, c'est plus compliqué parce que ça bouge sans cesse, avec beaucoup de choses imprévues. C'est jouissif de se retrouver dans la peau de tous ces personnages, que je n'aurais jamais pu aborder autrement. Même si j'aurais bien voulu y ajouter un bon vieux film de guerre à la Platoon.

 

Sortir : Pas trop d'appréhensions à reprendre de tels classiques ?

Y. Moix : On est parti dans ce film avec un gage d'humilité totale, davantage dans un hommage au cinéma par l'humour. D'ailleurs, quand vous voyez débarquer Franck Dubosc dans Barry Lyndon, le ton est clair... ce sont les variations inhérentes au droit de parodie. Par exemple, on a le droit de faire une Joconde, mais pas de faire croire que c'est la vraie.

 

Sortir : Et donc votre Cinéman, c'est Franck Dubosc.

Y. Moix : Franck a un physique de cinéma, il enchaînait les films tel un caméléon ! Même si pour le personnage principal à la base, à savoir Régis Delaux, le prof de maths, il fallait trouver quelqu'un de plutôt austère. On a choisi d'amplifier le personnage et sa ʺdubosquisationʺ à travers les films visités : en fait, il devient Franck Dubosc lorsqu'il se transforme en super héros.

 

Franck Dubosc : L'idée, c'est de ne pas refaire au cinéma ce que je fais déjà sur scène. Une façon aussi pour moi de retrouver certaines bases... en général, lorsque je m'adresse à quelqu'un, il y a plusieurs niveaux, de un à huit, avec des mimics, des intonations (il répète ʺbonjourʺ au niveau 1, 4 et 8). Il s'agit d'apporter une touche de nouveauté à ce que l'on propose, tout en donnant également au public ce qu'il aime.

 

Yann Moix : La justesse de son prof de maths, pour moi, c'est déjà une prouesse, ça prouve que Franck Dubosc est un grand comédien ! D'ailleurs avec lui en tournage, tout doit être réglé au millimètre près : il faut que chaque chose soit très claire dans son esprit. Les plus grands acteurs français (Bourvil, De Funès...) sont issus de la comédie, voire du café-théâtre : ce sont ceux qui arrivent à donner le plus d'émotions. Et puis pour le diriger, il faut aimer Franck Dubosc...

 

Sortir : Pas peur de tomber dans la ʺDubosquisationʺ à outrance ?

Y. Moix : Entre Régis Delaux et Cinéman, Franck est présent du début à la fin du film : à partir de là, difficile de nier sa puissance comique. Et puis faire du Dubosc, c'est ce qu'il fait le mieux ! Il n'y a pas de mal à utiliser ce qui fait rire, comme ce côté sûr de lui, un peu loser : le réalisateur se sert de l'instrument dans sa tonalité... D'ailleurs, comme disait Cocteau, ʺce qu'on vous reproche cultivez-le, c'est vousʺ. Mais encore une fois, par exemple Patrick Chirac (son personnage dans Camping, NDLR), ce n'est pas Franck Dubosc sur scène.

 

Sortir : Avec également quelques effets osés, genre cartoon.

Y. Moix : Pour ça, les réactions sont un peu partagées... avec Franck par exemple, on était pas d'accord sur les bruitages. Pour moi, le cinéma meurt de ses conventions : il faut savoir faire exploser le genre à différents endroits avec des choses, comme ces fameux sous-titres, jamais expérimentées. Mais on a pas la prétention de faire un film révolutionnaire : Cinéman, c'est avant tout un divertissement populaire, avec pour vocation de faire venir toute la famille au cinéma.

 

Cinéman, un film de Yann Moix avec Franck Dubosc, Lucy Gordon, Pierre Richard... En salles le 28 octobre.